L'affaire "Maddie" : tous les ingrédients pour fas

Aucun couple "ordinaire" n'aura été autant photographié, en ce début de siècle, que Gerry et Kate McCann. Quant au joli visage de Madeleine, leur petite fille disparue le 3 mai, pendant son sommeil, à Praia da Luz, au sud du Portugal, il a, depuis plus de quatre mois, fait la "une" des journaux britanniques ou des chaînes de télévision en continu, qui l'ont diffusé en boucle chaque fois que l'enquête de la police portugaise connaissait un nouveau rebondissement.

Si le drame de Praia da Luz est resté une "top story" dans les médias du royaume, suscitant une émotion populaire sans précédent depuis la mort il y a dix ans de la princesse Diana, c'est parce que les époux McCann l'ont voulu ainsi.

Redoutant par dessus tout que le monde se désintéresse rapidement du sort de leur fillette, ses parents ont d'emblée joué la carte des médias au service d'un objectif unique : maintenir la pression sur la police pour que celle-ci intensifie son enquête et retrouve la trace de Madeleine. Kate et Gerry McCann ont déclenché une campagne de mobilisation internationale d'une ampleur inédite en pareille circonstance.

Ils se sont laissé photographier à satiété par les armées de reporters arrivés du monde entier dans la petite station balnéaire ensoleillée. Ils ont multiplié les entretiens avec les envoyés spéciaux. Ils ont mis à contribution nombre de célébrités du sport et du spectacle, et jusqu'au pape.

Pour Madeleine, des milliers de rubans jaunes et d'affichettes ornées de son portrait ont fleuri dans les rues et sur les vitres des voitures du royaume. Le site Internet ouvert par la famille - MissingMadeleine - a recueilli l'équivalent de 1,5 million d'euros pour financer les recherches. Gerry McCann tient sur ce site un blog quotidien, où depuis que sa femme et lui ont été mis en examen, il clame leur innocence.

Rentrés en Angleterre le 9 septembre, les époux McCann ont fui la presse pendant deux jours, réfugiés dans leur maison familiale. Puis ils sont réapparus devant les photographes pour quelques promenades avec leurs jumeaux, âgés de 2 ans, et à qui ils veulent redonner une vie quotidienne aussi normale que possible.

"VENDRE DU PAPIER"

Affirmant vouloir contre-attaquer pour chasser les soupçons qui pèsent sur eux, ils négocient pour recruter un nouveau porte-parole, Phil Hall, un ancien rédacteur en chef du plus lu des journaux tabloïds, News of the World.

Non seulement le fait divers tragique de Praia da Luz continue de faire "vendre du papier" et de mobiliser des centaines de journalistes, mais il passionne les internautes. La blogosphère résonne des rumeurs, théories, hypothèses et spéculations en tous genres.

D'un bout à l'autre du cyberespace, chacun se prend pour Sherlock Holmes ou Miss Marple et prétend résoudre les mille énigmes qui entourent la disparition de Madeleine.

Certains contestent même l'heure de la dernière photo prise de la fillette, en invoquant la position du soleil, Google Earth à l'appui. La fascination que l'"affaire Madeleine" suscite en Grande-Bretagne et ailleurs en dit long sur la vieille tendance du public à s'approprier, par médias interposés, les tragédies des autres.