Les filles parlent trop... Et ça leur fait du mal!

«Le soir, elle traîne devant son ordinateur sur MSN (messagerie
instantanée, n.d.l.r.). Elle discute avec ses copines. je me demande ce
qu'elles peuvent bien avoir à se dire, alors qu'elles se sont quittées
à peine quelques heures plus tôt! En même temps, moi à son âge je
rendais chèvre ma mère parce que je m'enfermais dans les toilettes et
je squattais le téléphone familial...» La technologie change, mais les
filles restent des filles. Ce n'est pas Laura, maman d'une ado de 14
ans qui dira le contraire.

Les nanas, ça papote comme des pies entre amies. Mais attention,
quand le disque se met à tourner en boucle, il risque de dérailler. Se
faire consoler après une peine de coeur ou déverser sa haine du prof de
gym, c'est bien. Ressasser ses problèmes à longueur de journée, ça
l'est nettement moins. Et ce n'est pas un mec à bout de nerfs qui le
dit, ce sont des psys!

Selon des chercheurs américains, parmi lesquels Amanda Rose de
l'Université du Missouri, à trop s'épancher sur leurs problèmes les
unes avec les autres, certaines jeunes filles se sentent plus mal
qu'avant. Plus anxieuses, elles se mettent parfois carrément à
déprimer. Enfermées dans leur bulle, ces ados tourmentées déteignent
les unes sur les autres. Outre-Atlantique, les psychologues ont même
trouvé un nom pour décrire le phénomène: la corumination. Une angoisse
contagieuse à laquelle les jeunes filles seraient particulièrement
vulnérables.

S'émanciper des parents, recréer une famille de substitution autour
d'une bande de copins, l'âge ingrat marque une période de vie
particulière et souvent stressante. «Les problèmes scolaires, les
changements physiques, psychiques et tous les questionnements qui en
découlent font que les adolescentes ont un vrai besoin de parler, et
d'être écoutées, note Annabelle Dos Santos, qui anime les «soirées
filles» à la maison de quartier de Plainpalais, à Genève. Elles ont
besoin que leurs secrets soient gardés et trouvent un effet miroir à
travers leurs amies, c'est pour ça qu'elles aiment se retrouver entre
elles à cet âge. Mais de là à coruminer...»

Difficile de cerner, il est vrai, à partir de quel moment une jeune
fille abuse de la causette... Loin de dénigrer les avantages d'une
amitié solide, ni les bienfaits d'une oreille compatissante, Amanda
Rose et ses confrères mettent le doigt sur le revers de la médaille.
Pour eux, les ennuis commencent lorsque l'on continue à vider son sac,
encore et encore, sans trouver un début de solution. En apparence, ça
fait du bien, mais au fond, le problème n'est toujours pas réglé.
Pire, au-delà de cet embrouillamini d'effets positifs et négatifs,
c'est le cercle vicieux. En effet, si parler de ses soucis crée une
plus grande complicité entre les amies, cela favorise aussi l'anxiété,
donc un plus grand besoin de se confier et une connivence encore plus
forte... Au final, c'est à une dangereuse contagion émotionnelle que
peuvent s'exposer les inséparables copines. C'est en tout cas ce qui
ressort d'une première grande étude menée l'an dernier aux Etats-Unis
sur des enfants entre 8 et 14 ans.

«Un des enseignements apporté par cette recherche est que certaines
filles qui risquent de développer des problèmes vont passer inaperçues
parce qu'elles semblent avoir des amitiés solides», relève Amanda Rose.
Focalisée sur les symptômes liés à l'anxiété et à la dépression, sa
recherche a duré six mois. Elle ne permet donc de tirer des conclusions
sur d'éventuels effets à long terme de cette manière de ruminer en
coeur.

Ce qui par contre est avéré, c'est que les garçons, qu'on raille
volontiers pour leur difficulté à exprimer leurs émotions, se
retrouvent, eux, nettement moins souvent aspirés par la spirale
infernale de la parlotte.